Le monde numérique hétérotopique
Dans ces quelques lignes nous nous intéresserons au concept développé par Michel Foucault dans les années 1960, en regard du monde actuel tourné vers le numérique.
Tout d’abord rappelons les propos du philosophe sur l’hétérotopie. Il s’agit d’une science qualifiant des espaces ayant une localisation réelle, physique qui nous projette dans des espaces autres, irréels et immatériels. Des exemples d’espaces hétérotopiques sont le cinéma, le théâtre, la cabane d’indien dans le jardin, ou encore le cimetière.
Le monde numérique avec internet, via ses périphériques que sont les ordinateurs, tablettes et Smartphones, est un lieu hétérotopique par définition. Cependant grâce à ces périphériques nous avons la possibilité d’accéder à un nombre infini d’univers, ailleurs, et cela à partir du même outil, ici.
Il s’agit donc d’une hétérotopie nouvelle et, selon moi, influente pour notre société.
En effet les espaces hétérotopiques « du passé » tel que les musées, cinémas, théâtres, etc, sont des espaces ayant une localisation physique particulière nécessitant à chacun de se déplacer dans ces espaces. Grâce à ce déplacement physique l’homme partage et échange avec le monde réel, il parcourt des espaces architecturaux et ressent les émotions qu’ils véhiculent (pour autant qu’ils soient bien conçus mais il s’agit ici d’un autre débat).
Avec l’arrivé d’internet et du numérique en général, l’homme n’a plus besoin de se déplacer physiquement pour accéder à tous les espaces autres. Il peut tout atteindre depuis son bureau via un outil. En soit ce nouveau concept « d’hyper-hétérotopie », est dangereux pour nous architectes car la demande de construction réelle pouvant contenir ces espaces hétérotopiques du siècle passé va inévitablement diminuer au profit d’espaces « architecturaux aussi » mais virtuelle.
Sommes-nous voués à construire des musées virtuels (par exemple), ou les hommes pourront parcourir les salles via des projections holographiques ? Le métier d’architecte évoluera, le projet en soit restera mais le chantier réel, la construction, disparaitra au profit d’un chantier virtuel, d’images de synthèse. Aujourd’hui, les technologies ne permettent pas de reproduire l’impact sensoriel que provoque une ballade architecturale sur l’homme, cependant qu’en sera-t-il dans dix ans ? Vingt ans…?
C’est un exemple extrême qui nous pousse au questionnement sur l’impact du numérique sur l’architecture et plus largement du vivre ensemble.
Simi Julien